Qu’est-ce que le cisaillement du vent et comment l’éviter ?
La sensibilisation et la vigilance des pilotes sont des facteurs clés dans l’application réussie des techniques d’évitement du cisaillement du vent et d’évacuation ou de récupération.
Cet article de notre équipe de consultants en Safety Management est un aperçu des recommandations opérationnelles et des directives de formation pour l’exploitation des aéronefs dans des conditions de cisaillement du vent ou de rafale descendante prévues ou suspectées.
Introduction statistique
Les conditions météorologiques défavorables (autres que la faible visibilité et l’état de la piste) sont un facteur circonstanciel dans près de 40% des accidents d’approche et d’atterrissage.
Les conditions de vent défavorables, c’est-à-dire des vents de travers forts, un vent arrière ou un cisaillement du vent, sont impliquées dans plus de 30% des accidents d’approche et d’atterrissage et dans 15% des événements impliquant des CFIT (Controlled Flight Into Terrain – Impact sans perte de contrôle).
Le cisaillement du vent est le principal facteur causal de 4% des accidents d’approche et d’atterrissage et est la 9ème cause de décès.
Ces données statistiques sont résumées dans le tableau suivant:
Qu’est-ce que le cisaillement du vent ?
Le cisaillement du vent est défini comme un changement soudain de la vitesse et/ou de la direction du vent.
Le cisaillement du vent se produit dans toutes les directions, mais pour plus de commodité, il est mesuré sur les axes vertical et horizontal, devenant ainsi un cisaillement du vent vertical et horizontal.
• Cisaillement vertical:
– Variations du vent de l’axe horizontal vers l’axe vertical, entraînant des turbulences susceptibles d’affecter la vitesse de l’aéronef lors de la montée ou de la descente à travers la couche de cisaillement du vent
– Les variations typiques du vent sont de l’ordre de 20 kt par 1000 pieds à 30 kt par 1000 pieds, mais un cisaillement vertical du vent peut atteindre jusqu’à 10 kt par 100 pieds.
• Cisaillement horizontal:
– Variations du vent sur l’axe horizontal (par exemple, une diminution du vent de face ou une augmentation du vent arrière, ou un passage d’un vent de face à un vent arrière)
– Les variations du vent peuvent atteindre jusqu’à 100 kt par mille marin.
Les conditions de cisaillement du vent sont généralement associées aux situations météorologiques suivantes: courant d’altitude, ondes orographiques, surface frontale, orages et nuages convectifs, microrafales.
Les microrafales combinent notamment deux menaces distinctes pour la sécurité aérienne:
– La partie descente, entraînant de forts courants descendants (atteignant jusqu’à 6000 ft/mn de vitesse verticale)
– La partie de l’éclat, entraînant un grand cisaillement du vent horizontal et un déplacement du vent de face en vent arrière (les vents horizontaux peuvent atteindre jusqu’à 45 kt).
Quelle est l’influence du cisaillement sur les performances des aéronefs ?
Les performances de vol sont affectées par:
– Des rafales de vent de face augmentent instantanément la vitesse de l’aéronef. Elles ont donc tendance à faire voler l’aéronef au-dessus de la trajectoire prévue et/ou à accélérer.
– Un courant descendant affecte à la fois l’angle d’attaque (AOA) de l’aéronef (qui augmente) et la trajectoire de l’aéronef car son taux de descente augmente.
– Les rafales de vent arrière diminuent instantanément la vitesse de l’aéronef et ont donc tendance à faire voler l’aéronef sous la trajectoire prévue et/ou décélérer.
Les cisaillements de vent associés aux courants-jets, aux ondes orographiques et aux surfaces frontales, se produisent généralement à des altitudes qui ne présentent pas le même risque que les microrafales (qui se produisent plus près du sol).
Quatre cas peuvent être observés en fonction de la position de l’aéronef par rapport aux microrafales:
• Microrafale devant l’avion
Les pilotes ne perçoivent pas toujours une augmentation du vent de face comme un risque. Mais une telle une rafale de vent de face déstabilise l’approche de l’aéronef, qui aura tendance à voler au-dessus de la trajectoire et/ou à accélérer, si le pilote ne réagit pas adéquatement.
Si le cisaillement du vent de face se produit au décollage, les performances de l’aéronef augmentent. Mais une fois sortie du cisaillement, la vitesse indiquée diminue, ce qui entraîne une augmentation de l’AOA (angle d’attaque) qui pourrait déclencher la protection alpha-floor et/ou l’activation du stick shaker.
• L’avion vole à travers un courant descendant de microrafale
Les courants descendants verticaux sont généralement précédés d’une augmentation de la composante vent de face. Si le pilote n’apprécie pas pleinement la situation, il réagira aux effets des rafales de vent de face pour retrouver la trajectoire prévue en réduisant la puissance et en appuyant sur le manche. À ce stade, un tirage vertical augmentera le taux de chute de l’avion, ce qui ramènera l’avion en dessous de la trajectoire prévue.
• Microrafale apparaissant derrière l’avion
En cas d’augmentation soudaine du vent arrière, la vitesse de l’avion diminue instantanément. La portance diminue et l’avion a tendance à voler en dessous de la trajectoire d’approche.
Si les pilotes tirent sur le manche pour reprendre la trajectoire sans ajouter de poussée suffisante, l’AOA (angle d’attaque) augmentera considérablement et l’avion descendra.
Si une poussée suffisante est réglée pour reprendre la trajectoire prévue mais que la réaction du pilote est trop lente pour réduire la poussée une fois de retour sur la bonne trajectoire, l’avion volera au-dessus de la trajectoire d’approche et/ou va accélérer.
• L’avion vole à travers une microrafale
C’est le pire des cas car c’est la combinaison des trois cas précédents:
– Rafale de vent de face
– Courant descendant
– Rafale de vent arrière
Comment éviter un cisaillement de vent ?
Éviter un cisaillement
Les informations suivantes doivent être utilisées pour éviter les zones de cisaillement du vent potentielles ou observées.
• Rapports et prévisions météorologiques:
Certains aéroports sont équipés d’un système d’alerte de cisaillement du vent à basse altitude (LLWAS) et/ou un radar météorologique Doppler terminal (TDWR).
– Le LLWAS se compose d’un capteur de vent central (détection de la vitesse et de la direction du vent) et de capteurs de vent périphériques. Il permet aux contrôleurs d’avertir les pilotes de l’existence conditions imminentes de cisaillement du vent. Une alerte est générée chaque fois qu’une différence supérieure à 15 kt est détectée. En revanche, le LLWAS peut ne pas détecter les rafales descendantes d’un diamètre de 2 nm ou moins.
– Le TDWR permet de détecter les zones de cisaillement du vent en approche et ainsi de fournir aux pilotes un avertissement plus avancé du risque de cisaillement du vent.
• Rapports du pilote:
Un PIREPS de cisaillement du vent supérieur à 20 kt ou de courant descendant ou ascendant de 500 ft/mn en dessous de 1000 pieds au-dessus du sol devrait attirer l’attention des équipages.
• L’observation visuelle:
Des souffles ou des tourbillons de poussière ou toute autre preuve d’un fort écoulement d’air local près de la surface est souvent une indication d’un cisaillement du vent potentiel ou existant.
• Instruments de bord de surveillance du vent et de la vitesse sol:
En approche, une comparaison entre la composante vent de face ou vent arrière (selon disponibilité) et de la composante de vent de face ou de vent arrière en surface indique le potentiel et le degré de cisaillement vertical du vent. Cette surveillance augmente la conscience de la situation des pilotes.
• Radar météo embarqué
• Système de prédiction de cisaillement du vent embarqué.
Reconnaître un cisaillement
La reconnaissance en temps opportun d’une condition de cisaillement du vent est vitale pour la mise en œuvre réussie de la procédure de récupération/évacuation du cisaillement du vent.
Les écarts suivants doivent être considérés comme des indications d’un éventuel cisaillement du vent:
– Variations de vitesse indiquées supérieures à 15 kt
– Variations de vitesse au sol
– Variations de l’indication analogique du vent: direction et vitesse
– Excursions de vitesse verticale de 500 ft/mn
– Excursions d’attitude de tangage de 5 degrés
– Déviation de la pente de descente de 1 point
– Variations de cap de 10 degrés
– Activité inhabituelle de poussée automatique ou position des manettes des gazs
Les standards opérationnels face au cisaillement de vent au début du vol
En règle générale, si un cisaillement du vent est suspecté, il est absolument nécessaire de retarder le décollage.
Préparation du cockpit et briefing de départ
Les pilotes doivent tenir compte de tous les éléments de détection du cisaillement du vent disponibles et:
– Évaluer les conditions d’un décollage en toute sécurité en se basant sur les derniers rapports et prévisions météorologiques, les observations visuelles, l’expérience de l’équipage avec l’environnement aéroportuaire et la météo dominante; ou,
– Retarder le décollage jusqu’à ce que les conditions s’améliorent, si nécessaire.
Décollage et montée initiale
• Si un cisaillement est suspecté:
Si des conditions de cisaillement du vent sont suspectées pendant le décollage, l’équipage devrait:
– Considéré retarder le décollage
– Sélectionner la piste la plus favorable en fonction de la location du cisaillement
– Utiliser le radar météo (et le prédicteur de cisaillement) avant de commencer la phase de décollage afin de s’assurer que la trajectoire de départ est en-dehors de tout cisaillement.
– Déterminer la poussée maximale au décollage
– Surveiller de près la vitesse et la tendance de la vitesse pendant la course au décollage pour détecter tout
preuve de cisaillement du vent.
• Technique de récupération après une rencontre avec un cisaillement du vent pendant le décollage:
En cas de cisaillement du vent pendant l’accélération, appliquez les techniques de récupération suivantes sans délai:
– Avant la V1: Rejeter le décollage uniquement si des variations de vitesse trop importantes se produisent et que le pilote évalue qu’il reste suffisamment de piste pour arrêter l’aéronef.
– Après la V1: Maintenez ou réglez les manettes de poussée à la poussée maximale au décollage (TOGA), faîtes une rotation normalement à la VR et suivez les ordres de tangage du directeur de vol ou définissez l’assiette de tangage requise si le FD est non disponible.
Note: Si un cisaillement du vent se produit pendant l’accélération au décollage, la V1 peut être atteint plus tard (ou plus tôt) que prévu. Dans ce cas, le pilote peut devoir s’appuyer sur son propre jugement pour évaluer s’il reste suffisamment de piste pour arrêter l’aéronef, si nécessaire.